Quand les Poilus ont fait la France gastronomique
- Olivier
- il y a 1 minute
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Ou comment les tranchées de 14-18 ont transformé nos terroirs en trésor national

Quelques jours après avoir commémoré l’Armistice, saviez-vous que la Grande Guerre a révolutionné nos assiettes ! Entre deux assauts, nos vaillants Poilus ont mené une autre bataille, tout aussi décisive : celle de l’unification de la gastronomie française.
Le plus grand festin forcé de l’Histoire

Août 1914 : plus de 8 millions d’hommes débarquent dans les tranchées. Le Breton côtoie le Marseillais, l’Alsacien partage sa gamelle avec l’Aveyronnais. Chacun arrive avec son patois, ses traditions et surtout... les colis de maman et ceux des marraines de guerre ! 150 000 paquets expédiés chaque jour en avril 1915 : confit d’oie pour le Gascon, saucisson brioché ou rosette pour le Lyonnais, saucisses de Morteau pour le Franc-Comtois. Les cantonnements se transforment en banquets improvisés où l’on découvre, stupéfait, qu’il existe mille façons de préparer un saucisson !
Le camembert part en guerre

Avant 1914, le camembert n’était connu que des Normands. L’armée le “snobait” et privilégiait l’emmental pour sa solidité, sa facilité de transport et sa bonne conservation.
Mais, le 22 décembre 1917, lors de l’assemblée générale du Syndicat des fabricants du Véritable Camembert de Normandie, le fromager Louis Serey propose d’offrir une journée de production à l’armée française. L’intendance est séduite par le fait que ce fromage se présente dans de petite boîte ce qui facilite le transport et dès 1917, les premières commandes sont passées à raison de 400 caisses par jour. En 1918, les fromagers normands livrent un million de camemberts par mois.
Les Poilus du Midi ou de Bretagne découvrent ce petit rond crémeux. Son goût terreux leur rappelle le pays, sa texture onctueuse les réconforte. Les étiquettes se parent de tricolore : “Le Poilu”, “Joffre le Meilleur”... Quand ces soldats rentrent en 1918, ils ramènent dans leur région le goût du camembert. D’un fromage tout juste local, il devient LE symbole national.
Le vin coule à flots

Autre révélation : le vin ! Pour beaucoup de paysans bretons, l’alcool de raisin était une curiosité. Dans leurs rations, au début de la guerre, les poilus disposent de 6,5 cl par jour d’eau-de-vie, mais pas de vin.
C’est alors que les viticulteurs du Midi dans un geste patriotique, se révélant être également un coup marketing de génie, décident d’offrir à l’armée française 200 000 hectolitres de vins. L’intendance comprend vite que le vin est un moyen de soutenir le moral des troupes et décide de l'intégrer à l'ordinaire des soldats ; on passe d’un quart de litre en 1914 à une bouteille (0,75 l) par jour en 1918 !
À la fin de la guerre, on descend 170 litres de vin par an et par habitant, contre seulement 38 litres aujourd’hui.
L’industrie s’en mêle
La guerre accouche aussi d’innovations moins poétiques. Les soldats de la Grande Guerre furent, malgré eux, les pionniers pour la consommation de viande et de poissons en conserve, nourritures que les Français avaient boudées durant la période d’avant-guerre. Les conserveries (confit, rillettes, cassoulet) font fortune. Il faut nourrir des millions d’hommes, vite ! On industrialise, on met en boîte. Les pâtes sèches envahissent les cuisines roulantes et font le succès de la maison Lustucru (fondée en 1911).
L’héritage du partage
Partager son saucisson dans les tranchées, c’était partager un peu d’humanité dans l’horreur. La plus terrible des guerres a forgé notre patrimoine culinaire commun.
Et la prochaine fois que vous dégusterez un camembert avec un bon saucisson et un verre de rouge, pensez à ces Poilus qui, entre deux obus, ont fait la France gourmande que nous connaissons.


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